« C’est un honneur pour moi de présenter la courageuse association fondée en 2020 par des laïcs guyanais « pour la vérité, la transparence et la moralisation dans le diocèse ». Ces baptisés ont pris à coeur la demande du Pape François dans sa Lettre au Peuple de Dieu du 20 août 2018 : « Le seul chemin que nous ayons pour répondre à ce mal qui a gâché tant de vies est celui d’un devoir qui mobilise chacun et appartient à tous comme peuple de DIeu. » La demande du pape concernait la protection des mineurs, mais la connaissance du mal qui gangrène notre Eglise a tant progressé depuis qu’elle s’est élargie à toute forme de corruption, entre autre la gestion des finances et la dissolution des moeurs du clergé.
Le travail méthodique des membres mérite la publication d’un dossier sur ce sujet. C’est à eux que l’on doit la sanction du Vatican contre leur ancien évêque, Emmanuel Lafont. C’est à la journaliste de La Croix, Héloïse de Neuville, que l’on doit la révélation en métropole, après une enquête approfondie, d’une partie des malversations de l’évêque dans son reportage du 6 avril 2021. L’accumulation des faits est désormais telle qu’on serait tenté de penser qu’il n’y aurait plus que la forêt qui serait vierge. Je ne vais pas détailler ici ce qui vient au jour dans ces torrents de fange : c’est fort comme du piment de Cayenne. Je veux rendre hommage à ceux qui, dans la canopée (étage supérieur de la forêt qui reçoit directement le rayonnement solaire) ont fait leur devoir en répondant aux dossiers documentés que leur présentait l’association : le nonce apostolique nigérian aux Caraïbes, aujourd’hui à Genève, Mgr Fortunatus Nwachukwu ; l’archevêque de la Martinique, Mgr David Macaire, qui a mené l’enquête canonique ; le nouvel évêque, Mgr Alain Ransay, qui se trouve bien seul pour agir dans des situations qu’on a laissé pourrir. Il vient d’obtenir courageusement, non sans peine, le départ des Oblats de Marie Immaculée qui se comportaient comme des proconsuls concussionnaires se croyant à l’abri de Cicéron.
Le travail de l’association permet aujourd’hui d’interroger le rôle de Mgr Michel Dubost qui a été nommé administrateur du diocèse de Guyane au début avril 2021 et qui est resté en place un peu plus de 10 mois. Dans la liste des cas de corruption cléricale, deux situations retiennent l’attention. Pourquoi le vicaire général, prêtre dont les médias avaient présenté entre autres méfaits la séquestration par deux prostituées qu’il recevait habituellement et qu’il ne voulait pas rémunérer, a-t-il été maintenu en place malgré la présentation de son volumineux dossier par les membres de l’association le surlendemain de son arrivée en Guyane ? La fin de non recevoir a été constante jusqu’à la fin. Ce prêtre délinquant a été reçu dans un diocèse du sud-est de la France où on lui a aussitôt donné un poste. Pourquoi le chancelier du diocèse, lui aussi adepte de la débauche cléricale, qui s’est fait pincer pour détournement d’argent avec la carte bancaire de sa paroisse, et pour qui on a découvert depuis son départ qu’il surfacturait à son bénéfice les honoraires de messes, s’est-il retrouvé recasé comme par miracle dans une paroisse de la couronne parisienne ? Les paroissiens seraient certainement intéressés de l’apprendre. L’un et l’autre se sont vantés de l’appui de Mgr Dubost pour leur nouvelle situation. Un seul indice parmi d’autres : le maintien de prêtres suspectés de corruption et de mœurs dissolues dans rien moins que la Cellule diocésaine d’écoute pour les abus par un décret signé de sa main du 4 octobre 2021. Si tous et chacun dans le peuple de Dieu ont le devoir de travailler à la purification de l’Eglise, le moins que pourra faire Mgr Dubost sera de répondre à ces allégations guyanaises. Les enquêtes fournies de cette remarquable association mettent ainsi à jour un remarquable système de couverture, c’est-à-dire d’ensablage, toujours en cours entre certains évêques. Et là, maintenant, tout le monde est en droit d’en savoir plus. Les sables de Guyane sont fameux pour les tortues Luth et les tortues vertes qui viennent y pondre leurs œufs. Il nous faut désormais vérifier, en tant que membres du peuple de Dieu, si d’autres sables que ceux d’outre-mer ne servent pas à ensabler d’inavouables et malodorants secrets cléricaux.
Pierre Vignon